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Homme invisible, pour qui chantes-tu?

Ralph Ellison (1952)

Homme invisible, pour qui chantes-tu?, c’est le récit d’un jeune Noir du Sud qui part faire sa vie dans le Nord et dont on ne connait pas le nom. L’homme invisible, c’est l’homme Noir des Etats-Unis.

Le récit s’ouvre sur une scène improbable dans laquelle le narrateur nous dépeint la “grotte” dans laquelle il vit et les raisons qui l’ont amené à vivre ici, aux nez et à la barbe des Blancs, des Américains auxquels il vole même l’électricité. Il nous explique son invisibilité comme l’essence même de sa vie. Cette première scène donne le ton du roman. Il s’agit d’un récit noir, lugubre, dans lequel on manque d’oxygène.

Le narrateur nous emmène ensuite avec lui, dans sa vie, dans son combat pour être quelqu’un, pour exister et pour faire changer une Amérique qui ne laisse pas Noirs et Blancs vivre en paix. Son obéissance aux règles en place, son courage, ses talents d’orateur et sa foi en une nation plus égalitaire n’y feront rien. Quoi qu’il entreprenne, sa quête sera toujours vaine, et il restera à jamais un homme invisible.

De nombreux passages sont durs et violents et seule la figure féminine et maternelle de Mary adoucit un peu notre narrateur. Mary c’est la lumière dans ce récit sombre. Hélas, son personnage n’est pas transversal. Elle n’est qu’une échappatoire temporaire pour le héros mais elle nous offre une pause vivante, joyeuse et plus que bienvenue.

Vous l’aurez compris, ce combat perdu d’avance que nous dépeint Ralph Ellison est pénible, laborieux et triste. Je regrette de ne pas être parvenue à me plonger dans l’unique roman publié du vivant de cet auteur Noir américain. J’en ai lu des petites bribes fréquemment, sans jamais pouvoir m’attacher au narrateur ni à quiconque.

Ce récit est incontestablement original de par la parole qu’il donne à ce Noir, symbole de la société noire américaine. Toutefois, c’est un livre que j’ai trouvé difficile d’accès et assez hermétique. Le style d’écriture d’Ellison ne laisse pas de répit au lecteur, le récit manque de repères. De plus, pour refléter l’absurdité de la situation du héros, l’auteur nous plonge dans des scènes improbables, à l’atmosphère souvent ésotérique. C’est un récit labyrinthe dans lequel il est compliqué de s’identifier aux personnages. Malgré ce cri de solitude désespéré et touchant que pousse le narrateur, je n’ai pu réfréner un sentiment de soulagement en refermant ce livre.